Le 20 novembre, Mercateam organisait son Événement communauté 2025 : un événement annuel qui rassemble les acteurs industriels autour des enjeux de gestion des compétences et du savoir-faire. Cette année, l’événement a mis l’accent sur l’excellence opérationnelle à travers une table ronde inspirante : « Quand la maîtrise des compétences devient un avantage concurrentiel« .
Pour donner des clés concrètes aux 50 décideur·euses présent·es (directeurs industriels, responsables qualité, managers de production), Léa Moreau, Head of Implementation chez Mercateam, a eu le plaisir d’animer une discussion riche en enseignements avec des invité·es de choix venus partager leurs retours d’expérience.
À ses côtés :
- Claire Billas, Coordinatrice Skills Centers France, Saint-Gobain Sekurit,
- Romain Le Bihan, Responsable Amélioration Continue, Varinor – Groupe Richemont,
- Julien Peillon et Sandra Grange, Chefs d’équipe, Sigvaris Group.
Trois secteurs différents (automobile, métallurgie de luxe, dispositifs médicaux), trois urgences distinctes, mais des problématiques communes et des solutions inspirantes. Retour sur les enseignements d’une table ronde entre expert·es de l’industrie.

Trois urgences, trois déclencheurs différents
Sekurit : la vague de départs en retraite
Pour Saint-Gobain Sekurit, spécialiste du vitrage automobile, l’urgence était démographique.
Le site de Thourotte, reconnu à l’amiante, a vu ses collaborateurs les plus expérimentés (30 ans d’ancienneté) éligibles à des départs anticipés. En l’espace de deux ans, un tiers des effectifs est parti en retraite : près de 80 départs sur les seuls postes de production en 18 mois.
Impossible dès lors de maintenir le modèle classique de formation en doublure qui nécessitait 6 mois pour former un conducteur de ligne.
« On savait qu’on ne pourrait pas avoir 3, 4, 5 personnes en doublure avec nos conducteurs les plus expérimentés. Il fallait accélérer.«
Claire Billas, Coordinatrice Skills Centers France, Saint-Gobain Sekurit
La réponse ? La création du Skill Center France il y a deux ans, une véritable « école » interne qui regroupe 600 collaborateurs sur 3 usines et a permis de diviser par 2 le temps de formation.
Sigvaris : la pression réglementaire des audits
Dans le secteur des dispositifs médicaux, Sigvaris Group fait face à une contrainte différente mais tout aussi pressante : la norme ISO 13485. Cette réglementation extrêmement rigoureuse impose de garantir que chaque opérateur touchant un produit possède les bonnes compétences et formations.
Julien Peillon et Sandra Grange se souviennent du stress des audits annuels : dès janvier, la « chasse aux manquements » commence pour préparer l’audit de mars. Formations express organisées dans l’urgence, documents égarés dans des classeurs papier, matrices de compétences Excel jamais à jour…
« Avant, il y avait beaucoup de formations express pour être bon pour les audits. Les Excel n’étaient pas mis à jour au quotidien. Mercateam a été vu comme le Saint Graal.«
Julien Peillon, Responsable de production, Sigvaris Group
Résultat ? Un passage de 1 mois à 10 jours pour former un collaborateur, avec une sérénité retrouvée face aux audits.
Varinor : l’absence de standardisation
Chez Varinor, entité du groupe Richemont spécialisée dans la métallurgie de précision pour l’horlogerie-joaillerie, l’urgence n’était ni démographique ni réglementaire, mais opérationnelle.
Romain Le Bihan décrit une situation courante dans l’industrie : toute la connaissance était « dans la tête » des managers de terrain, avec autant de manières de faire que de collaborateurs dans les ateliers.
« On dit qu’un collaborateur sait faire quelque chose, mais sur la base de quoi ? Si je n’ai pas de standard qui explique la meilleure pratique, comment est-ce que je peux le former ? Sur quel support ?«
Romain Le Bihan, Responsable Amélioration Continue, Varinor
Les matrices de compétences Excel existantes n’étaient pas utilisées et servaient uniquement à “faire plaisir” aux auditeurs, sans utilité opérationnelle réelle. Et quand les standards existaient, ils étaient enfouis dans des serveurs inaccessibles, même pour les fonctions administratives.
Avant : pourquoi ça ne marchait pas ?
Au-delà de leurs contextes spécifiques, les trois entreprises partageaient des problématiques communes qui handicapaient leur performance.
La dispersion et la perte de traçabilité
Chez Sigvaris, les formations se faisaient uniquement sur papier, archivées dans des classeurs physiques. Résultat : documents perdus ou jetés lors des mouvements de personnel, impossibilité de justifier rapidement les compétences d’un intérimaire revenant sur site. La gestion des habilitations se faisait systématiquement en mode urgence.
Des formations sans structure ni cohérence
Le témoignage de Romain Le Bihan illustre l’ampleur du chantier : pour refaire les standards d’un seul poste de travail, un opérateur sorti de production a mis plus d’un mois pour créer un document Word exhaustif. Cette anecdote révèle à elle seule la difficulté de créer une documentation exploitable quand les pratiques ne sont pas formalisées.
Chez Sekurit, la perte progressive de qualité des formations au fil des années et la dispersion des supports à travers l’organisation créaient une véritable pénibilité administrative. Les supports existaient, mais personne ne savait vraiment où les trouver.
Les solutions déployées : du physique au digital
Le Skill Center de Sekurit : une école dédiée
Saint-Gobain Sekurit a créé un véritable espace physique dédié à la formation, mutualisé entre les 3 usines françaises : petits ateliers, salle de classe, et même une machine à café pour favoriser les échanges informels.
Le parcours d’intégration structuré :
- Semaine 1 : tronc commun avec toutes les normes automobiles + présentation des différents services,
- Semaine 2 : découverte du principe de traitement du verre pour donner du sens au poste,
- Suivi : bilans à 1, 2 et 3 mois avant validation de l’embauche.
Une personne a été dédiée pendant 6 mois (profil ingénieur process) pour créer tous les modules techniques de base. Résultat : les arrivants ont déjà « les codes » métier avant de commencer sur les lignes.
La digitalisation structurée de Sigvaris
Sigvaris a opté pour une transformation digitale complète, s’appuyant sur la méthodologie TWI (Training Within Industry). L’équipe projet a pris 2 mois pour former tous les tuteurs et structurer les contenus sur une vingtaine de postes répartis dans 4 ateliers.
Le parcours digitalisé actuel comprend :
- E-learnings obligatoires
- Validation étape par étape
- Quiz sur tablette
- Accès formateur/tuteur pour valider les formations
« Avec Mercateam, tout est structuré. Chacun a la même formation, la même qualité de formation. En 10 jours, le collaborateur a tout vu et il est compétent au poste.«
Julien Peillon, Sigvaris Group
Impact concret : les feuilles de journée ne sont plus sur papier mais sur tablette, et l’usine tend vers le zéro papier.
Les vidéos pragmatiques de Varinor
Après avoir constaté le temps nécessaire pour refaire les standards, Varinor a fait un choix pragmatique : filmer les opérateurs en situation réelle, sans chercher la perfection.
La consigne était claire : pas grave si l’opérateur bafouille, l’important est d’avoir du contenu rapidement. De plus, ces vidéos se sont révélées plus impactantes et plus appréciées que les documents texte.
L’innovation des QR codes (déploiement en cours) : les collaborateurs pourront flasher un QR code sur leur poste de travail et accéder instantanément à tous les standards, supports et vidéos via des tablettes déployées dans les ateliers.
Définir les compétences : trouver le bon curseur
Le piège de la sur-granularité
Claire Billas de Sekurit se définit en plaisantant comme « le mauvais élève » : beaucoup de compétences dans leur système, car nécessité d’avoir une validation pour chaque produit, chaque poste. La solution ? Regrouper les compétences pour pouvoir gérer les renouvellements.
Chez Sigvaris, la transformation a nécessité de revoir complètement la notion de « compétence » :
« Avant, la compétence en tant que telle était trop large. On a créé des sous-compétences plus précises et plus pointues aux postes.«
Sandra Grange, Sigvaris Group
Compétence vs. tâche : où placer le curseur ?
Léa Moreau, notre animatrice, apporte un éclairage important : « Parfois une compétence est en réalité une tâche. » Les questionnaires dans Mercateam permettent de valider les tâches, mais c’est le placement du curseur entre compétence et tâche qui détermine le nombre de compétences dans le système.
L’expiration des compétences : question d’équilibre
Varinor a fait le choix d’une expiration sur toutes les compétences, avec une fréquence adaptée selon la complexité et la dangerosité du poste. Le principe : un manager doit pouvoir auditer ses collaborateurs à n’importe quel moment sur les standards, avec une restriction forte sur la partie sécurité.
Chez Sigvaris, pas de date de péremption fixe, mais des tests réalisés 1 à 2 fois par an directement sur le poste en production pour vérifier que tout va bien.
Les gains constatés : du court au long terme
Court terme : efficacité opérationnelle immédiate
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- Sekurit : temps de formation divisé par 2, accès aux infos en 3 minutes
- Sigvaris : passage de 1 mois à 10 jours de formation
- Tous : arrêt du papier, centralisation de l’information
« Aujourd’hui c’est surtout un gain de temps. On a plus de temps maintenant, on peut faire les choses plus qualitativement donc lien indirect avec la qualité. »
Claire Billas, Sekurit
Moyen/long terme : qualité et sécurité
Sur la qualité, Romain cite un exemple concret : une réclamation client sur le fait que deux collaborateurs utilisaient différemment un outil en production. Maintenant, une compétence = un standard unique.
Chez Sigvaris, la méthodologie TWI a apporté un gain majeur : « Tout le monde a la même formation au même moment, la même qualité de formations. »
L’humain au cœur : reconnaissance et autonomie
Un gain moins quantifiable mais essentiel selon Claire Billas : « Les collaborateurs se sentent suivis maintenant, que ce soit avec le Skill Center ou la fiche collaborateur dans Mercateam. »
Les projets futurs : aller plus loin
Sekurit : vers l’expertise et la maintenance
Les prochaines étapes pour le Skill Center de Saint-Gobain Sekurit s’articulent autour de plusieurs axes : développer les niveaux 2 pour créer des parcours experts au-delà de l’intégration de base, digitaliser la partie maintenance dans Mercateam, et digitaliser entièrement le Skill Center dans la plateforme d’ici 2026, avec un déploiement de la connexion SSO.
Varinor : déploiement progressif des 5 piliers
Chaque poste de travail a 5 compétences rattachées : SST, Ordonnancement, Qualité, Maintenance, Équipement. Après le déploiement du pilier SST, les prochains mois verront l’attaque d’un autre pilier, avec la mise en place des QR codes.
Chez le spécialiste de la métallurgie de précision, chaque poste de travail est structuré autour de 5 compétences : SST, Ordonnancement, Qualité, Maintenance, et Équipement. Après avoir déployé le pilier SST, l’équipe s’attaquera dans les prochains mois au prochain pilier, tout en mettant en place les QR codes pour faciliter l’accès aux standards.
Sigvaris : un seul logiciel, plus d’Excel
Pour le spécialiste des bas de contention, la vision est claire : l’équipe veut inclure la méthodologie TWI directement dans Mercateam. Actuellement, les standards TWI sont créés hors de l’outil, puis liés aux compétences. Demain, l’objectif est de tout créer directement dans la plateforme pour ne plus dépendre de documents Excel ou Word. « Un seul logiciel, plus d’Excel du tout », résume Julien Peillon.

Les conseils pour ceux qui se lancent
1. Communiquer sur le « pourquoi »
Romain Le Bihan insiste sur ce point fondamental : « Il faut faire comprendre pourquoi le projet est fait, que ce soit côté terrain ou direction. » Sans cette compréhension partagée, difficile d’obtenir l’adhésion nécessaire à la réussite du projet.
2. Ne pas sous-estimer la rédaction des standards
L’équipe de Varinor a appris cette leçon à ses dépens : ne pas sous-estimer le temps que peut prendre la rédaction ou la mise à jour des standards. Quand ils ont commencé à examiner les standards existants, ils se sont rendu compte qu’ils n’étaient pas optimaux pour faire des formations de qualité.
3. Dédier des ressources et mobiliser toute l’entreprise
Claire Billas est claire sur ce point : « Il faut mettre au moins une ressource, pas forcément à temps plein, mais au moins au démarrage. Il faut aussi que tout le monde soit mobilisé, du top management jusqu’aux opérateurs. »
Le top management est crucial : sans lui, impossible de libérer les personnes et d’animer les formations comme on le souhaite.
4. Bien préparer et être en phase avec le terrain
Le conseil de Julien Peillon et Sandra Grange : « Bien préparer et être en phase avec le terrain. » L’équipe projet de Sigvaris a pris 2 mois pour former tous les tuteurs et structurer les contenus.
L’outil ne fait pas tout : l’importance de l’humain
Un message unanime des trois entreprises : la technologie est un facilitateur, pas une solution magique. Un outil comme Mercateam ne remplace pas la démarche managériale derrière.
Les facteurs clés de succès identifiés :
- Engagement humain à tous les niveaux
- Conduite du changement structurée
- Sponsorship du top management
- Vision commune et objectifs partagés
- Temps dédié et ressources allouées
Les obstacles surmontés : témoignages de résilience
Sekurit : convaincre les tuteurs
Les tuteurs se sentaient lésés au départ, avec l’impression qu’on « faisait sans eux ». Aujourd’hui, après avoir compris que leur temps devient plus pertinent et mieux valorisé, ils ont pleinement adopté le Skill Center.
Sigvaris : le moment du doute
Les tuteurs d’une cinquantaine d’années, peu à l’aise avec le digital au départ, ont été formés à l’utilisation des tablettes. Mercateam ayant été perçu comme simple d’utilisation, ils ne voudraient plus revenir en arrière aujourd’hui.
Varinor : convaincre le laboratoire
Les laboratoires ne voulaient pas qu’on touche à leurs standards accrédités, par crainte de perdre l’accréditation. Aujourd’hui, retournement de situation complet : « Le labo revient vers moi en disant ‘en fait votre audit il a l’air pas mal' », raconte Romain Le Bihan.

En conclusion : la maîtrise des compétences comme levier stratégique
Cette table ronde a démontré une chose essentielle : la gestion des compétences n’est plus un sujet uniquement RH ou qualité, c’est devenu un véritable enjeu stratégique d’excellence opérationnelle.
Que vous fassiez face à des départs massifs en retraite, à des audits réglementaires exigeants ou à un besoin de standardisation, la transformation de votre gestion des compétences apporte des bénéfices tangibles : gains de temps immédiats, centralisation de l’information, amélioration de la qualité et renforcement de la sécurité.
Mais au-delà des outils et des processus, c’est l’engagement humain qui fait toute la différence. Les collaborateurs sur le terrain portent ces projets, les managers les incarnent au quotidien, et le top management leur donne les moyens de réussir.
« Notre mission est d’accompagner les équipes terrain dans leur montée en compétence. Chaque jour, nous travaillons pour que les opérateurs aient accès au bon savoir-faire, au bon moment. C’est cette vision qui nous fait avancer.«
Adrien Laurentin, CEO, Mercateam
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